Le Québec est l’endroit où l’on retrouve le plus de bouleaux jaunes au monde. Utilisé pour divers usages depuis le début de la colonisation, ce feuillu possède une qualité de bois exceptionnelle et une valeur commerciale élevée, notamment pour l’industrie du bois d’oeuvre. Au vu de son importance culturelle, historique et économique, il ne faut pas s’étonner que le bouleau jaune, appelé familièrement le « merisier », soit depuis 1993 l’un des emblèmes du Québec.
Néanmoins, on constate que la régénération de l’espèce dans nos forêts représente actuellement un défi, suite à des pratiques sylvicoles inadéquates réalisées par le passé. Il importe aujourd’hui de prendre en compte ses caractéristiques écologiques particulières afin d’ajuster le tir, et c’est pourquoi un aperçu de la dynamique du bouleau jaune vous est proposé.
En milieu naturel, la régénération du bouleau jaune, qui est une espèce semi-tolérante à l’ombre, est limitée par la disponibilité de lumière et largement associée à la dynamique des trouées. Une trouée est une perturbation localisée et périodique qui provoque une ouverture de la canopée qui permet à la lumière d’atteindre le sous-bois.
En peuplement feuillu, la chute d’arbres sénescents ou pourris ou tout autre chablis issu d’agents naturels (vent, orage, neige ou la foudre) créent ces trouées dans le couvert d’arbres. En peuplement mélangé, des ouvertures peuvent également se former lorsque des insectes nuisibles s’attaquent aux résineux qui finissent par tomber. L’incidence de ces ouvertures dans le couvert forestier donne aux semis du bouleau jaune la lumière nécessaire à leur croissance dans des forêts dominées par d’autres espèces tolérantes à l’ombre.
La reproduction du bouleau jaune se fait principalement par graines et plus marginalement par rejet de souche. C’est vers l’âge de 40 ans que le bouleau jaune commencera à produire des semences qui seront dispersées principalement par le vent à une distance allant jusqu’à 100 mètres. Les bonnes années semencières reviennent chaque 2 ou 3 ans, avec relativement peu de production entre ces années.
Le taux de germination des semences du bouleau jaune dépend principalement de la qualité des lits de germination. Ceux-ci doivent être bien humides et composés d’un mélange d’humus et de sol minéral. Le bois mort et les souches décomposées sont également des lits de germination favorables puisqu’ils retiennent bien l’humidité, mais on en retrouve généralement très peu en forêt aménagée.
Lorsqu’il y a une trop grande ouverture du peuplement, le bouleau jaune a tendance à produire des tiges adventives (gourmands). Celles-ci poussent spontanément, seules ou en grappes serrées (de 4 à 20 généralement), à partir de bourgeons dormants ou adventifs. Les arbres intermédiaires et codominants sont les plus touchés. Ces gourmands contribuent à détourner des substances nutritives et à diminuer la valeur et la qualité du bois.
Plusieurs pratiques forestières inadéquates pratiquées par le passé, comme la coupe à diamètre limite et la coupe de jardinage, font en sorte encore aujourd’hui que la régénération du bouleau jaune dans nos forêts est ardue. En effet, la coupe à diamètre limite pratiquée il y a quelques décennies qui consistait à ne récolter que les plus grands et beaux arbres a fait en sorte de réduire drastiquement la quantité d’individus adultes et vigoureux dans nos forêts, et donc, les possibilités actuelles d’obtenir des volumes de qualité.
Par la suite, au tournant des années 80, dans le but de reproduire davantage les processus naturels, les forestiers ont priorisé les coupes de jardinage. Ces coupes d’arbre individuel ont néanmoins eu comme conséquence de favoriser la régénération des essences d’ombre aux dépens des espèces intermédiaires (semi-tolérante à l’ombre), telles que le bouleau jaune, puisque les ouvertures pratiquées n’étaient pas assez grandes.
Plusieurs recommandations existent afin de favoriser la régénération du bouleau jaune. Tout d’abord, effectuer le scarifiage du sol va favoriser l’établissement du bouleau en exposant le sol minéral. Comme déjà mentionné, une clé du succès dans la germination des semences est le contact avec le sol minéral. De plus, cela réduit la compétition préétablie.
Ensuite, la création d’ouvertures de taille relativement réduites dans le couvert forestier permet d’amener suffisamment de lumière pour favoriser la croissance d’individus. Des ouvertures de tailles trop élevées vont encourager l’envahissement des superficies par d’autres essences concurrentes. Finalement, on doit s’assurer de laisser suffisamment d’arbres semenciers pour assurer une bonne production de graines. Optimalement, la récolte du bouleau devrait coïncider avec les bonnes années de production des arbres semenciers.
Si vous désirez en savoir plus sur la régénération du bouleau jaune, vous pouvez consulter le mémoire de recherche de Jean-Bastien Lambert:
On recommande de réaliser des éclaircies dans le couvert afin d’augmenter la proportion de tiges d’avenir de bouleau jaune et d’augmenter leur qualité et leur croissance. Cependant, il faut rester tout de même vigilant, car des éclaircies trop intenses pourraient encourager la pousse de gourmands sur le tronc ou sur des branches charpentières jusqu’alors non exposées à la lumière.
Comment mieux connaître la forêt dans laquelle on travaille?
Le bouleau jaune est un arbre bien important pour la population du Québec tant d’un point de vue économique que culturel. Son bois possède plusieurs qualités qui font de lui un bois noble, très recherché par l’industrie, et utilisé pour une foule d’usages.
Ayant beaucoup souffert de pratiques sylvicoles inadéquates par le passé, sa sylviculture doit être pensée de façon à faciliter la régénération de l’espèce dans nos forêts. La connaissance de la dynamique naturelle de l’espèce est donc essentielle pour adapter les pratiques sylvicoles, qui tendent toujours à reproduire le plus fidèlement possible les processus naturels s’opérant au sein des forêts.
Pour avoir plus de détails sur notre approche en matière de sylviculture, consultez la section Planification forestière
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