L’érable à sucre patiente à l’ombre

Il y a 4 caractéristiques qu’on doit absolument maîtriser pour bien comprendre la dynamique de l’érable à sucre.

Arbre grandement estimé du sud du Québec, l’érable à sucre offre un bois dur et résistant, utilisé largement en ébénisterie. Pour garantir une bonne régénération des peuplements et guider les méthodes de récoltes de l’espèce, il faut prendre en compte plusieurs caractéristiques de cette essence.

 

1.Tolérant à l’ombre

L’érable à sucre tolère très bien l’ombrage, ce qui fait de ses semis des candidats parfaits pour s’établir en sous-bois dans des peuplements inéquiennes. Ceux-ci peuvent survivre longtemps en condition dominée avec seulement 5 % du plein ensoleillement. Avec une croissance très lente, les petites tiges subsistent ainsi jusqu’à ce qu’une perturbation, telle que la mort d’un vieil arbre, malade ou carié, provoque une trouée. Une course s’installe alors entre elles pour atteindre l’étage supérieur, et combler cette nouvelle éclaircie.

 

2. Fructification régulière et abondante

L’érable à sucre se régénère principalement par reproduction sexuée via les graines contenues à l’intérieur des samares. La fructification est abondante et les bonnes années semencières reviennent toutes les 3 à 7 ans. Les semis croient en sous-bois malgré l’ombrage afin de faire une bonne réserve d’individus qui pourront assurer la régénération. L’érable à sucre génère également des rejets de souches, mais ceux-ci ne sont généralement pas viables à long terme.

 

3. Germination en sol fertile

Bien que l’érable puisse s’installer dans divers substrats, ses besoins élevés en éléments nutritifs l’amènent à préférer des sols riches en calcium et en magnésium. Les graines d’érable à sucre germent tôt au printemps, dans un sol riche, modérément à bien drainé. Le taux de germination diminue en effet plus l’acidité du sol augmente. 

 

Depuis plusieurs décennies, on observe le dépérissement des érablières en station acide et peu fertile. Ce dépérissement se manifeste par une faible vigueur des cimes, de la régénération et de la croissance radiale. Plusieurs stress seraient à l’origine de ce phénomène (environnementaux, biologiques, mauvaise gestion, et autres). L’un des facteurs contribuant serait un manque de calcium dans le sol. Bien que plusieurs améliorations aient lieu depuis 1980, ce dépérissement chronique est toujours un phénomène qui menace les érablières du Québec.

 

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4. Sensible aux blessures

L’érable à sucre est particulièrement sensible aux blessures. Ces blessures sont causées par l’activité humaine (travaux sylvicoles, entaillages inadéquats), par les animaux ou bien par les aléas climatiques comme le verglas ou des vents violents. Les arbres blessés sont alors plus sensibles aux gélivures et aux maladies.

 

Plusieurs maladies importantes qui affectent l’érable à sucre proviennent de champignons qui pénètrent par ces blessures dans l’écorce. L’arbre tente de repousser et de circonscrire ces infections qui attaquent son tronc et ses branches, comme le chancre, en formant un bourrelet cicatriciel qui peut en venir à déformer fortement l’arbre. Les jeunes arbres ne s’en remettent souvent pas.


Les caries, ces altérations chimique du bois provoquées par un champignon, affaiblissent également les érables. C’est le cas du pourridié-agaric (Armillaria mellea), un champignon qui peut s’installer suite à des blessures sur les racines ou le bas du tronc. D’autres champignons s’immiscent par des blessures au tronc ou par les branches mortes, et causent la carie du tronc. La carie de l’aubier est un pathogène qui peut entraîner le dépérissement de l’arbre, jusqu’à sa mort. 

 

Certains insectes perceurs, comme le corthyle de l’érable, le perceur de l’érable et le siricide, utilisent également les blessures comme porte d’entrée. Ils peuvent s’installer sur des arbres endommagés ou affaiblis par des blessures de machines forestières, provoquant la mort d’une partie de la cime et diminuant ainsi la valeur du bois.

 

La santé et l’aménagement des érablières

 

Un érable à sucre affaibli par des blessures est donc plus vulnérable face aux maladies et aux insectes ravageurs, mais aussi aux chablis. Il doit utiliser une quantité importante d’énergie pour se défendre et se soigner. De plus, l’arbre atteint peut également contaminer les individus avoisinants. Cela entraîne la diminution de la valeur commerciale des arbres et rend la forêt moins productive.

 

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La sylviculture de l’érable à sucre

Compétition des semis

Les semis d’érables subissent la forte compétition de l’hêtre pour l’eau, les nutriments et le soleil. En effet, le hêtre possède une tolérance supérieure à l’ombre, qui lui permet de dominer l’espèce en sous-bois. Cela diminue la survie des semis, mais aussi leur croissance, même lorsqu’il y a des trouées.

 

L’envahissement par cette espèce est encore plus prononcé dans les érablières à sol acide et pauvre en nutriments, puisque l’espèce est moins exigeante notamment en calcium, qui est un nutriment essentiel pour la santé de l’érable à sucre.

 

Le contrôle de cette espèce envahissante s’avère alors primordial pour la régénération des érablières à sucre, surtout considérant la valeur économique supérieure de l’érable à sucre. La suppression mécanique des gaules de hêtre et le chaulage du sol peuvent être envisagés pour contrôler sa progression.

 

Contrôle de l’acidité

La croissance et la vigueur d’une érablière sont grandement affectées par la richesse du sol. Pour contribuer à améliorer le sol, des essences compagnes peuvent être conservées lors de l’aménagement, tels que les tilleuls, les bouleaux et les frênes.  

 

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Dans les cas où l’érablière est en dépérissement chronique, en station acide et peu fertile, il peut s’avérer nécessaire d’effectuer un chaulage. L’ajout de chaux au sol est un amendement qui permet d’améliorer la germination des semences d’érable et la vigueur des semis, ainsi que de favoriser le maintien des érablières en sol pauvre et acide. Celui-ci permet également de diminuer la compétition par des espèces moins exigeantes en calcium, comme le hêtre. 

 

Comme chaque érablière est différente, il importe d’étudier les caractéristiques propres à chaque site, sous plusieurs variables. Par exemple, le type de production de l’érablière, soit dans le but d’en faire du bois de sciage, du bois de pâte ou de l’acériculture, est à prendre en compte afin de s’assurer que les retombées économiques soient suffisantes pour justifier le coût du chaulage.

 

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Récolte en peuplement inéquienne

Les peuplements d’érable à sucre inéquienne se régénèrent spécifiquement selon la dynamique des trouées. Les tiges vigoureuses des étages intermédiaires ou co-dominants, ayant une écorce lisse et un bon développement du houppier, sont les plus compétitives pour combler les éclaircies ainsi créées. Un jardinage ou une coupe progressive irrégulière permettra donc de stimuler la croissance de ces tiges et de favoriser la régénération. 

 

Également, le jardinage permet de modifier la composition de l’érablière. Au sein d’un peuplement, le compagnonnage avec d’autres essences est primordial. Le maintien d’une biodiversité (d’au moins 10% en essences compagnes) est en effet recommandé pour protéger les arbres contre les aléas climatiques et maintenir une disponibilité de nutriments adéquats pour l’érable à sucre. À l’opposé, il sera possible d’agir pour contrôler l’établissement d’essences non désirées ou concurrentes, comme le hêtre.

 

Dans une optique de production soutenue à long terme, le maintien de la structure inéquienne (jardinée) est primordial pour maintenir une relève de jeunes tiges. Ces jeunes tiges sont également moins sensibles aux aléas climatiques (verglas ou vents forts), et seront prêtes à prendre la place des arbres atteints, ce qui augmente la résilience de l’érablière.

 

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Récolte en peuplement équienne

Les éclaircies ont lieu dans de jeunes peuplements équiennes issus de coupe à blanc. Cette intervention a pour but de diminuer la concurrence sur les arbres d’avenir que l’on souhaite conserver pour stimuler leur croissance. L’éclaircie, contrairement à la coupe de jardinage, n’a donc pas pour but de favoriser la croissance des tiges dominées qui forment la cohorte de régénération. C’est également le moment d’éliminer les arbres déformés, peu vigoureux ou morts. Il est recommandé de faire fréquemment des éclaircies, mais que celles-ci soient de faible intensité (entre 3 et 5 % de la surface terrière seulement).

 

Attention à la densité

Le maintien d’un couvert modérément dense, en maintenant une surface terrière assez élevée (près de 22 m2/ha), permet de diminuer les impacts des aléas climatiques (comme la sécheresse et les vents forts), du risque de dépérissement des cimes et des attaques d’insectes ravageurs.

 

Si la densité le permet, on recommande la récolte des arbres malades et blessés, afin d’améliorer la croissance des arbres restants. Si la densité est trop forte, une diminution de la régénération et de la croissance en diamètre des arbres sera constatée.

 

La densité vs le coefficient de distribution

 

Éviter les blessures

Le maintien du couvert fermé et le compagnonnage avec d’autres espèces, tels que le chêne rouge, l’hêtre et l’épinette blanche, permettent de diminuer l’impact du verglas et du chablis.

 

Comme la majorité des infections s’établissent via des blessures au tronc et aux racines, il importe d’être prudent lors des pratiques sylvicoles afin de ne pas endommager les arbres. Le monitorage de l’érablière est également crucial, afin de détecter et de contrôler rapidement toutes infections. En ce sens, il sera parfois nécessaire d’éliminer les individus atteints.

 

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Conclusion

Une saine gestion forestière s’avère essentielle pour garder en santé les érablières du Québec. Les caractéristiques de l’érable à sucre importantes pour toute planification sylvicole sont : sa bonne tolérance à l’ombre, sa fructification abondante, la germination de ses graines en sol fertile et sa sensibilité aux blessures.

 

Ensuite, une attention particulière à l’acidité du sol et au contrôle de la compétition sera nécessaire pour favoriser la régénération des peuplements.

 

Finalement, des travaux de jardinages et d’éclaircies pourront être recommandés, en s’assurant de maintenir une densité adéquate et en évitant d’endommager les arbres.

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