Le sapin baumier, 12 mois par année

Connaissez-vous vraiment le sapin baumier, l’essence vedette de nos mois de décembre ? Découvrez ici les caractéristiques de cet arbre important de la forêt boréale et différentes façons d’améliorer sa sylviculture, tout au long de l’année.

Le sapin baumier est un arbre présent sur l’ensemble du territoire québécois, principalement dans le climat froid et les sols humides de la forêt boréale. Il s’accommode de presque tous les habitats. Voici les principales caractéristiques à prendre en compte pour la sylviculture de cette essence.

 

1. TOLÉRANT À L’OMBRE

Le sapin baumier croît généralement en peuplements mélangés ou purs, appelés sapinières. Comme il s’agit d’une essence tolérante à l’ombre, ses semis peuvent survivre pendant plusieurs années dominés par d’autres individus, en constituant une bonne banque de régénération. En effet, dès l’ouverture du couvert forestier, la croissance des semis est stimulée, et ce même après plus de 50 ans de domination. C’est ainsi que le sapin peut se régénérer, parfois même au détriment des essences de lumière (BOP & PET), qui étaient jusqu’alors dominantes.

 

2.VULNÉRABLE À LA TORDEUSE

Le sapin est l’essence la plus vulnérable aux épidémies de tordeuses des bourgeons de l’épinette, bien plus que l’épinette malgré le nom. La tordeuse est un insecte défoliateur dont la chenille se nourrit des nouvelles aiguilles des conifères au printemps. Les épidémies se succèdent généralement tous les 30 ans et ont une durée d’environ 10 à 15 ans.

 

L’épinette noire, la résilience absolue

 

Bien qu’il s’agisse d’une perturbation naturelle importante au point de vue écologique pour rajeunir les vieux peuplements, ses conséquences économiques sur le secteur forestier d’une région peuvent être importantes. L’intervention humaine est donc nécessaire pour protéger la ressource. 

 

 

L’intensité et la durée de l’épidémie de la tordeuse influencent directement la gravité des dégâts. Les arbres soumis a plusieurs années rapprochées de défoliations sévères finiront éventuellement par en mourir. Au début, les individus les plus vulnérables, vieux et chétifs, vont mourir les premiers après environ 3 ou 4 années de défoliations. L’épidémie va ensuite suivre son cours et la mortalité culminera après 10 ans.

 

Les sapins dominés et de l’étage intermédiaire sont les premiers touchés, et ensuite viennent les dominants et les codominants. Tous les sapins touchés ne vont toutefois pas en mourir, ainsi, l’effet sera très variable à travers différents types de peuplements touchés. Dans une sapinière mature, l’épidémie contribuera au remplacement des sapinières, tandis que dans une sapinière en croissance, elle aura l’effet d’une éclaircie (par le bas).

 

3.SENSIBLE AUX CHABLIS

Le terme chablis désigne tout renversement ou déracinement d’un arbre ou d’un groupe d’arbre­s par le vent, ou le poids de la neige, de la glace ou de l’âge. Tout comme la tordeuse, cette perturbation naturelle permet de régénérer les peuplements. Compte tenu de son système racinaire superficiel, le sapin baumier possède une forte sensibilité aux chablis. Les peuplements matures établis en sol humide et peu profond sont d’ailleurs les plus vulnérables.

 

Étant donné que l’essence est tolérante à l’ombre, le chablis va favoriser la croissance des semis de sapins se trouvant en forte présence dans le sous-bois. Ainsi, des individus plus jeunes prendront la place laissée par les arbres matures renversés en rajeunissant le peuplement.

 

En peuplement mixte, le sapin peut s’imposer pour combler l’ouverture, et ce parfois aux dépens d’autres espèces, dont la tolérance à l’ombre est plus faible. On remarque également cela lors de coupes partielles de faible intensité, qui favorisent également l’établissement du sapin. 

 

L’action de la tordeuse sur les peuplements de sapins est également liée au chablis. En effet, la création d’ouvertures lors d’infestations répétées permet au vent de pénétrer et augmente le risque de chablis. Cet effet se fait sentir dans les 15 à 20 ans suivant l’épidémie. Les peuplements matures y sont particulièrement vulnérables.

 

Outil de comparaison des essences – Le sapin baumier

 

4.VULNÉRABLE À LA CARIE

Le sapin est particulièrement affecté par la carie des arbres. Il s’agit d’une altération progressive des tissus ligneux de l’arbre ayant pour effet de les ramollir et de les putréfier. Bien qu’il puisse vivre jusqu’à 150 ans, c’est dès l’âge de 40 ans, et plus particulièrement après 70 ans, que peut se développer la carie du pied et des racines.

 

Cette affection accélère la sénescence des individus affectés et cause des blessures au tronc qui peut finir par se rompre. Dans la zone tempérée (forêt feuillue et mixte), la carie du pied rend les arbres atteints particulièrement vulnérables aux chablis. C’est moins le cas dans la forêt boréale, où les arbres vivent plus longtemps et où la carie se développe plus lentement.

 

Voici un vidéo illustrant des signes de dégradation du sapin baumier:

Fissure ou fente – Sapin Baumier (FE35E)

 

 

LA SYLVICULTURE DU SAPIN BAUMIER

 

ÉVITER DES PEUPLEMENTS AVEC UN TROP GRAND % DE SAB

Les sapinières pures sont beaucoup plus vulnérables aux épidémies de tordeuses qu’un peuplement mixte comportant des essences qui ne sont pas, voire moins, touchées par l’insecte. Dans le cas d’un peuplement pur de sapins, tous les individus pourraient succomber et le peuplement serait alors réinitialisé.

 

À l’inverse, dans les peuplements diversifiés touchés par l’insecte, même après plusieurs années de défoliation grave, les essences compagnes vont survivre et permettre au peuplement de conserver les attributs d’une forêt plus âgée de structure irrégulière.

 

En prévention d’une épidémie de tordeuse, il s’avère pertinent de réaliser des travaux qui permettront de modifier la composition du peuplement pour augmenter sa diversité. Il est possible de contrôler le pourcentage de sapins par le biais d’éclaircies (de l’EPC jusqu’à l’éclaircie commerciale).  

 

La récolte hâtive des sapins avant l’arrivée de l’épidémie peut également permettre le rajeunissement du peuplement et sa diversification qui le rendront alors plus résilient, tout en évitant des pertes de bois. 

 

La régénération artificielle permet également de remettre en production des sites avec des essences qui se régénèrent plus difficilement. Ainsi, on obtient des peuplements plus diversifiés respectant mieux la dynamique naturelle. 

 

Le reboisement, les notions essentielles

 

Par contre, en temps d’épidémie, certains travaux peuvent augmenter la vulnérabilité des arbres à la tordeuse. C’est le cas des travaux d’éclaircie, de dégagement et de nettoiement dans des peuplements en croissance, ainsi que des coupes partielles dans les peuplements plus âgés. En effet, la modification du couvert forestier changera les conditions abiotiques de l’environnement (lumière, température, humidité, etc.) ce qui aura pour effet de stresser les arbres. Ce stress pourrait diminuer temporairement la capacité des arbres à se défendre contre la tordeuse. De plus, l’augmentation de la chaleur et de la température sera bénéfique au développement de la tordeuse et à sa survie face aux prédateurs.

 

La diminution du nombre de résineux dans une forêt fera en sorte que la tordeuse va pondre sur un plus petit nombre d’arbres, ce qui va concentrer le nombre de chenilles par arbres.

 

ÉVITER LES ÉCLAIRCIES EN SOL MINCE 

Comme le sapin baumier possède un système racinaire latéral superficiel, il est bien important de considérer les caractéristiques du sol avant de réaliser des travaux sylvicoles. De ce fait, certaines interventions sylvicoles, comme une éclaircie, peuvent augmenter considérablement les risques de chablis au sein du peuplement où l’on retrouve du sapin. Il importe donc de faire preuve de vigilance surtout lorsqu’on est en présence d’un peuplement sur un sol mince.

 

NE PAS ATTENDRE TROP LONGTEMPS AVANT DE RÉCOLTER

Comme vue précédemment, la carie attaque l’arbre et en dégrade progressivement la qualité du bois, et donc sa valeur, jusqu’à provoquer la mort de l’individu. Étant donné que le sapin est particulièrement sujet à la carie dès qu’il atteint la maturité, il est recommandé de récolter les arbres avant qu’ils dépérissent, pour éviter la dégradation de la fibre. 

 

CONTRÔLER LA DENSITÉ

Le sapin se multiplie à l’aide de semis. Sous le couvert forestier, une régénération abondante est préétablie, dont les semis attendent patiemment à l’ombre une trouée pour poursuivre leur croissance. 

 

Cela occasionne souvent une densité trop élevée et limite la croissance en diamètre des tiges. Ainsi une éclaircie précommerciale peut être requise au stade gaulis, c.à.d lorsque les tiges ont un DHP entre 2 et 8 et une taille supérieure à 2 mètres. En effet, elle permet de contrôler la végétation concurrente, mais aussi de réduire la densité, afin de donner l’espace aux tiges restantes pour augmenter leur croissance en diamètre. 

 

La densité vs coefficient de distribution

 

CONCLUSION

Nous avons vu que le sapin baumier est une essence tolérante à l’ombre et fortement vulnérable aux perturbations naturelles, comme les épidémies de TBE ou les chablis. Dans le cadre de nos activités sylvicoles dans les sapinières, il est essentiel de prendre en compte la grande capacité de régénération de l’essence, mais aussi les futures menaces naturelles qui peuvent affecter la productivité et la rentabilité du peuplement.

 

Bien qu’il soit plus difficile de produire du bois de haute valeur avec le sapin, c’est une essence dont il est facile de produire du volume. Si la dynamique de l’essence est bien comprise, elle peut être un atout important dans la sylviculture du Québec.

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