La tordeuse des bourgeons de l’épinette : cet insecte ravageur

La tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) est l’insecte qui cause le plus de dommages aux peuplements de résineux de l’Amérique du Nord. Il y a donc certains éléments qu’on doit bien comprendre pour y adapter notre sylviculture.

 

La tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) est l’insecte qui cause le plus de dommages aux peuplements de résineux de l’Amérique du Nord. On trouve ce ravageur au Québec, où il menace particulièrement le sapin baumier et l’épinette blanche puisqu’il se nourrit de leurs nouvelles pousses. 

 

Les épidémies cycliques causent la défoliation des arbres et éventuellement une mortalité selon la récurrence et la force de l’envahissement. 

 

À travers cet article, vous pourrez en apprendre plus sur les dommages, et comment les atténuer par des traitements sylvicoles adéquats.

 

L’insecte

La tordeuse des bourgeons de l’épinette est un papillon de nuit indigène. Les stades de vie de l’espèce sont les suivants : l’œuf, la larve (6 stades), la chrysalide et le papillon. La femelle va pondre jusqu’à 200 œufs entre les mois de juillet et août. 

Suite à l’éclosion, les larves ne se nourriront pas tout de suite et vont se construire un abri afin de passer l’hiver. Au printemps, lorsqu’elles mesurent environ 1.5 mm, elles  sortiront d’hibernation et elles commenceront éventuellement à se nourrir des bourgeons, puis des pousses de l’année jusqu’à la fin du mois de juin. 

Elles construiront ensuite de petits nids autour des nouvelles pousses avec un fil de soie et leur déjection. Lorsqu’elles atteignent leur sixième et dernier stade larvaire, elles mesureront alors entre 20 et 30 mm de longueur. C’est durant le 5e et 6e stade larvaire que plus de 85% de la défoliation aura lieu.

 

 

Les infestations de la TBE sont cycliques et ont lieu tous les 30 ou 40 ans. Les fluctuations des populations dans le temps seraient expliquées par des variables biologiques (prédateurs, parasites et pathogènes), ainsi que des variables environnementales, tel que le climat.

 

Dommage

Les signes de l’infestation sont visibles par la présence d’aiguilles séchées retenus par des fils de soie, qui donnent une teinte rougeâtre au peuplement. Ultimement, la défoliation des arbres sera constatée. Celle-ci débute à la cime de l’arbre, et progresse vers le bas. Lorsque l’épidémie est forte, on peut également voir plusieurs larves suspendues au bout de fils de soie.

 

Peuplement affecté pas le tordeuse

Source : Ressources naturelles Canada

 

Une année de défoliation n’est pas dramatique pour un arbre, mais plusieurs années consécutives vont entraîner des pertes de croissance, affaiblir les arbres et les rendre vulnérables aux autres insectes. Lorsque la défoliation est grave, le dépérissement voire la mortalité des arbres survient après 4 à 5 années consécutives. Le sapin baumier est fortement affecté, suivi de l’épinette.

 

Lors d’une infestation, la défoliation peut durer jusqu’à 10 ans dans un peuplement et toucher des dizaines de millions d’hectares. Tel que le feu, les épidémies d’insectes sont une perturbation qui jouent un rôle dans la régénération des forêts. Cela peut néanmoins représenter une importante perte de bois, et donc des dommages économiques considérables sur l’industrie forestière. L’altération des paysages peut également entraîner des impacts sur le secteur touristique.

 

CONDITIONS FAVORABLES À LA TORDEUSE

Les caractéristiques d’un peuplement peuvent faire en sorte que celui-ci soit plus ou moins vulnérable aux attaques de la tordeuse de l’épinette, c’est-à-dire, s’il risque de subir des dommages en termes de mortalité et de croissance. Parmi ces caractéristiques, la composition forestière est le principal facteur qui influence la mortalité dans un peuplement. 

 

Composition en essence

Les peuplements fortement composés des essences suivantes sont particulièrement vulnérables aux attaques de l’insecte : le sapin baumier, suivi de l’épinette blanche, de l’épinette rouge et de l’épinette noire. Les individus les plus faibles seront les premiers à mourir. La vulnérabilité forte du sapin par rapport à l’épinette s’explique par son feuillage moins abondant et le temps d’arrivée de ses nouvelles pousses qui conviennent mieux à l’insecte. De ce fait, la présence du sapin baumier dans un peuplement est l’une des principales variables qui explique la présence d’une infestation et de sa sévérité.

 

Le sapin baumier – 12 mois par année

 

Structure du peuplement

L’âge du peuplement et sa densité sont des variables bien importantes. Plus le peuplement est âgé ou dense, et plus grande sera sa vulnérabilité. 

 

Drainage du site

Les sites dont le drainage est déficient ou excessif ont aussi une plus grande vulnérabilité.

 

LES ÉPIDÉMIES DE TORDEUSE AU QUÉBEC

Au 20e siècle, on constate l’occurrence de trois grandes épidémies qui ont frappé le Québec. L’épidémie qui a lieu actuellement a débuté en 2006 dans la région de la Côte-Nord. Elle s’est rapidement répandue par la suite vers le Saguenay-Lac-St-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Une épidémie de tordeuse dure généralement dans une région entre 10 à 15 ans  à partir du moment où l’on constate son début.

 

Au Québec, l’évaluation des dommages de la tordeuse de l’épinette est réalisée par la Direction de la protection des forêts (DPF) du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) à l’aide de relevés aériens et d’imagerie satellitaire. Chaque année, un rapport et des données cartographiques sont publiés : Aires infestées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette au Québec en 2021

 

Dans ce rapport, on constate que l’année 2020 a marqué les records, avec plus de 13 millions d’hectares de forêt ayant été touchés par la tordeuse. Le rapport pour l’année 2021 fait quant à lui état d’un ralentissement de l’intensité des dégâts, avec tout de même 12 millions d’hectares touchés.

graphique tordeuse

Superficies annuelles totales touchées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette depuis les 10 dernières années (Source : Aires infestées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette au Québec en 2021, DFP – 2021)

 

Toujours selon le rapport de la DPF, voici les faits marquants de l’année 2021 : 

  • Dans le Bas-Saint-Laurent, les superficies touchées ont augmenté de 23 %. La défoliation est surtout de niveaux « léger » et « modéré »;  
  • Dans la région de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, les superficies touchées ont augmenté de 22 %. La défoliation est en grande majorité de niveau « léger »;  
  • Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les aires défoliées ont fortement diminué (35 % de diminution). La diminution des dommages est nettement marquée pour les niveaux « modéré » et « grave » dans la région;  
  • Dans la région de la Capitale-Nationale, les superficies touchées ont augmenté de 37 % en 2021;  
  • Dans la région de l’Outaouais, les dommages ont augmenté de 26 % en 2021;  
  • En Abitibi-Témiscamingue, la superficie touchée a diminué. Les dommages ont diminué essentiellement dans l’ouest, au Témiscamingue, mais il y a toujours une progression des dommages vers l’est;  
  • Sur la Côte-Nord, les superficies touchées ont beaucoup diminué en superficie et en intensité; 
  • Dans le Nord-du-Québec, les dommages ont aussi connu une forte augmentation, passant de 40 397 ha à 333 547 ha;  
  • Dans la région de la Chaudière-Appalaches, les superficies touchées atteignent 20 844 ha;  
  • Dans la région des Laurentides, les dommages ont connu une augmentation, passant de 2 591 ha à 24 234 ha.

 

 

SYLVICULTURE

Les grandes perturbations naturelles, telles que les épidémies d’insectes et le feu, jouent un rôle crucial pour la santé de nos écosystèmes forestiers. En touchant de large territoire, ceux-ci favorisent la régénération, la diversité et l’hétérogénéité de nos écosystèmes forestiers. Néanmoins, dans certains peuplements, notamment ceux dominés par le sapin baumier, cela représente des pertes économiques non négligeables. Ainsi, il s’avère nécessaire d’adapter nos pratiques sylvicoles afin de diminuer les impacts négatifs de la TBE.

 

Dans cette optique, le Québec s’est doté en 1994 d’une stratégie de protection des forêts visant à prévenir les impacts de la TBE, dès la planification de l’aménagement forestier. Un système de détection et de suivi des populations a notamment été mis en place.

 

La récolte des peuplements les plus vulnérables

Une stratégie sylvicole de prévention est de réaliser en priorité la récolte des peuplements les plus vulnérables. Avant l’arrivée d’une épidémie, des éclaircies pourront être pratiquées pour diminuer la densité et changer la composition d’un peuplement.

 

Le but est de diminuer la proportion de sapins et d’arbres matures, au bénéfice d’essences moins vulnérables à la TBE. Ces arbres résiduels verront également leur croissance et leur vigueur améliorées et seront plus résistants aux futures attaques d’insectes.  

 

La récupération des peuplements affectés

Lorsque l’épidémie est présente dans un peuplement et qu’on y trouve une proportion d’arbres morts, la stratégie de récupération s’impose, par la récolte des arbres affectés ou morts. 

 

Cela permet de réduire les pertes de bois, mais aussi les risques d’incendie de forêt et de chablis, ainsi que d’accélérer le retour à un état sain de la forêt, qui autrement serait laissée en perdition. Lorsque requis, le reboisement sera effectué avec des essences spécialement choisies pour leur résistance à la tordeuse. 

 

Le reboisement – Les notions essentielles

 

L’arrosage d’insecticide biologique

Finalement, la lutte directe peut s’avérer nécessaire avec l’épandage d’un insecticide biologique par voie aérienne pour traiter les forêts affectées par la tordeuse. Il s’agit du Bacillus thuringiensis (B.t.), une bactérie présente à l’état naturel dans les sols qui créent des protéines toxiques pour les larves de chenilles, comme la tordeuse. Cet insecticide est sécuritaire pour l’environnement et la santé des autres êtres vivants. 

 

L’arrosage vise à diminuer les populations de tordeuses afin de préserver 50% du feuillage annuel. Son utilisation est bien surveillée, et se limite aux peuplements denses en sapin baumier à forte valeur commerciale.

 

CONCLUSION

Les épidémies d’insectes, telle que la tordeuse des bourgeons de l’épinette, ont sans contredit une importance vitale dans la régénération des écosystèmes. Il est toutefois possible d’en mitiger les impacts, afin de réduire les conséquences économiques du à la perte de bois. 

 

Dans cette optique, des stratégies sylvicoles préventives sont nécessaires et doivent être intégrées en amont dans les plans d’aménagement forestier, bien avant que les épidémies ne frappent.

 

Dans un contexte de changement climatique, plusieurs incertitudes planent sur l’effet qu’aura le réchauffement sur les populations d’insectes ravageurs. Comme les insectes sont généralement sensibles aux conditions climatiques, on peut s’attendre à un déplacement dans la limite nord et sud de la zone de défoliation. Ainsi, il est fort probable que les prochaines épidémies de tordeuses soient bien différentes des dernières qui ont frappé le Québec.

 

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